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Un peu plus haut,
mon torse veille sur vous
Une entité aérienne instable (EAI) survole l’Île Jésus. Elle a été aperçue à plusieurs reprises au dessus des quartiers Fabreville, Duvernay et Laval-des-Rapides. Elle observerait les allées et venues des Lavalloises et Lavallois et recueillerait des données privilégiées sur leurs habitudes de vie. Elle est à la recherche de certains individus qu’elle a choisis pour recevoir ses messages préparés sur mesure. Elle tente de les intercepter à leur retour du travail, au moment où ils reviennent à la maison. La distance est grande, la communication difficile...
Durant l'automne 2018, moi et mon drone (entité aérienne instable) avons parcouru le territoire lavallois pendant plusieurs semaines afin d'entrer en communication avec ses résidents. Au moment opportun, l'entité aérienne laissait tomber une pluie de petits papiers au dessus des gens avec des inscriptions comme celles-ci: "96 800 lavalloises et 101 800 lavallois ont un sentiment d'appartenance plutôt fort ou très fort à la communauté locale. À qui appartenez-vous?"et "158 600 lavallois et 175 000 lavalloises sont satisfaits à l'égard de la vie. À votre égard." Ces interventions aériennes étaient diffusées en direct et sont disponibles ici:
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passage obligé~
Bound flow
De septembre 2023 à septembre 2024, Pascale Théorêt-Groulx a parcouru les rivières qui se jettent dans le Lac Champlain à la recherche d’infrastructures qui restreignent leur débit: les barrages. Elle s’intéresse à la dimension physique, psychologique et philosophique de ces ouvrages de retenue. Dans sa pratique, le barrage agit comme symbole de l’irrésistible désir qui habite les humains de modeler et contrôler leur environnement physique, mais aussi mental, malgré le potentiel destructeur de leurs actions. Sa recherche a débuté en juin 2022 lors d’un périple jusqu'au réservoir Manicouagan, un cratère de 214 millions d’années qui s’est rempli d'eau à la suite de la construction du barrage Daniel-Johnson et de sa centrale Manic-5 sur la Côte-Nord. Elle a ensuite entrepris la construction d’un barrage-voûte en ciment à échelle humaine pesant plus de 1000 lbs dédié à être transporté, monté et démonté lors d’interventions performatives.
Théorêt-Groulx poursuit ses recherches sur les barrages lors d’une résidence de recherche-création à Adélard à Frelighsburg en collaboration avec le Lake Champlain Basin Program. Durant une année, la région de Brome-Missisquoi au Québec et le nord du Vermont deviennent son terrain de jeu; les rivières aux Brochets et Missisquoi, deux tributaires du lac Champlain, sa matière première. Les barrages ont non seulement des incidences sur la morphologie des cours d’eau et des rives, mais peuvent également avoir un impact sur les caractéristiques physiques et chimiques de l’eau. Théorêt-Groulx s’est donnée comme mission d’effectuer des collectes de données en amont (avant) et en aval (après) de quatre barrages situés sur dans les municipalités de Stanbridge East, Notre-Dame-de-Stanbridge, Enosburg Falls et Swanton.
L'outil/sculpture Mini barrage flottant a été conçu sur mesure pour braver les intempéries et collecter les valeurs de température, d’oxygène dissous, de turbidité et de conductivité dans l’eau. L’artiste a pris part à de longues journées de collecte de données sur une période de trois mois. Elle souhaitait non seulement vérifier l’hypothèse que certaines valeurs étaient différentes en amont et en aval des barrages, mais également occuper des lieux dans le temps qui sont à leur tour occupés par la présence d’un barrage. Si elle avait pu, elle se serait insérée au cœur du barrage pour faire l’expérience de cette jonction tendue entre deux parties, deux états d’une même rivière.
En parallèle à la collecte de données, Théorêt-Groulx a capté des vidéos et des sons sous l’eau à l’aide d’une caméra submersible et d’un hydrophone haute définition, ainsi que les vibrations provenant des chutes se jetant des barrages à l’aide d’un géophone. Ces captations témoignent des répercussions physiques du barrage et d’une vie aquatique extrêmement riche, quoique inaccessible.
Cette résidence de recherche-création a culminé en une exposition intitulée "passage obligé ~ bound flow" produite et diffusée par Adélard, présentée du 28 septembre au 3 novembre 2024.
La portion audio de l'œuvre Constellation humide a été produite dans le cadre d’une résidence de création Phonurgia Nova/AVATAR soutenue par la SACEM.
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Plusieurs installations ont découlé de cette période de recherche et de production - Constellation humide, Vision trouble et intervalles - ainsi que la performance Les nageoires ne sont pas faites pour voler présentée dans la rivière aux Brochets, à Frelighsburg, QC.
Constellation humide
Constellation humide est composé de dix écrans suspendus montrant des séquences vidéos captées sous l’eau au printemps et à l’été 2024 sur les lieux des quatre barrages investigués. Les rivières aux Brochets et Missisquoi sont dévoilées sous plusieurs facettes; parfois tranquilles, parfois agitées, claires ou troubles, rocailleuses ou boueuses, parsemées d’algues et de ménés. Le corps de l’artiste s’insère dans certains plans: un objet extraterrestre, perturbateur qui tente de se familiariser avec son environnement. L’installation vidéo est accompagnée d’une pièce sonore qui transpose les données de température, d’oxygène dissous et de conductivité prélevées en amont et en aval des barrages en une composition multicanale. Les sons captés sous l’eau et en périphérie des barrages - crépitements, gargouillements et vibrations - sont modulés par les données changeantes à travers le temps et les différents lieux de collecte. Constellation humide plonge le regardeur dans un monde à la fois étrange et familier, enveloppant et inquiétant, nous rappelant les liens que nous entretenons avec la nature dont nous faisons partie, et les mystères qui ne pourront jamais être complètement percés, même par les outils scientifiques les plus sophistiqués.
Vision trouble
Vision trouble est une installation de huit sculptures composées de tubes de verre qui rappellent les tubes Secchi, instruments utilisés pour mesurer la turbidité de l’eau des lacs et des rivières. La turbidité est la capacité de l’eau à diffuser ou absorber la lumière. Lorsqu’elle augmente, l’altération de sa transparence est généralement causée par les matières en suspension tels des débris de roche ou la dégradation de végétaux, la présence de microorganismes ou de contaminants. L’eau contenue dans les tubes de Vision trouble, récoltée dans les rivières aux Brochets et Missisquoi en amont et en aval des quatre barrages, est agitée par intermittence par une barre aimantée, créant de petits vortex. Cette installation aux allures d’une expérimentation scientifique questionne la méthode d’extraire et isoler des éléments de leur contexte pour “mieux” les comprendre. Elle évoque la tension entre le fragment et le tout, entre l’échantillon d’eau et l’ampleur de la rivière tout entière.
Intervalles
Chaque bande de papier suspendue de l’installation Intervalles représente une journée de collecte de données par l’artiste. Les mesures de température, de turbidité, d’oxygène dissous et de conductivité, inscrites à intervalle de temps précis, se succèdent de haut en bas du papier, créant une ligne du temps.
Ces bandes ne sont pas simplement un registre des données recueillies, elles témoignent de la présence soutenue de l’artiste dans ces lieux. Dans le texte manuscrit récupéré du journal de bord de l’artiste on peut lire des informations factuelles, des anecdotes, des pensées, des sensations. Chaque donnée est inévitablement prélevée dans un lieu où se déploient des événements, des processus biologiques, physiques, chimiques, des sensations, des émotions, de petits et grands drames, des joies, qui se succèdent moment après moment.
Les nageoires ne sont pas faites pour voler
Vêtue d’un imperméable tapissé de centaines d’incisions prenant la forme d’écailles, Théorêt-Groulx s’est donné comme défi d’assembler sa sculpture Barrage-voûte de plus de 1000 lbs sur le lit de la rivière aux Brochets. Rappelant les travailleurs (plus souvent masculins) de chantier, l’artiste incarne à la fois la présence humaine qui déploie ses infrastructures perturbatrices et les espèces de poissons pouvant être affectées par cette même présence. L’effort physique nécessaire à l’assemblage du barrage est palpable. L’accoutrement d’écailles devient une entrave aux mouvements. Aucun de ces deux rôles ne semble lui correspondre alors qu’elle tente désespérément de trouver sa place dans cet écosystème.
La performance "Les nageoires ne sont pas faites pour voler" a été présentée lors du vernissage de l’exposition passage obligé ~ bound flow à Adélard à Frelighsburg, le 28 septembre 2024.
Remerciements:
L'équipe d'Adélard, le Lake Champlain Basin Program, Nathalie Fortin, Francis Mailloux, l'équipe de l'Atelier Clark, l'équipe d'Avatar, Asa Perlman, Yan Giguère, Hubert Lamarre, Jared Toner, Gabrielle Desgagné-Duclos, Antoine Petigny-Samuelson, Nathalie Paquette, Eric Ciup, Josée Grenier, l'Espace Old Mill et les municipalité de Notre-Dame-de-Stanbridge et de Stanbridge East.
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Performance Les nageoires ne sont pas faites pour voler
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Processus de collectes de données
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